• Le moqueur moqué

    Un escargot
    Se croyant beau, se croyant gros,
    Se moquait d'une coccinelle.
    Elle était mince, elle était frêle
    Vraiment, avait-on jamais vu
    Un insecte aussi menu !
    Vint à passer une hirondelle
    Qui s'esbaudit du limaçon.
    - Quel brimborion! s'écria-t-elle,
    C'est le plus maigre du canton
    Vint à passer un caneton.
    - Cette hirondelle est minuscule,
    Voyez sa taille ridicule
    Dit-il d'un ton méprisant.
    Or, un faisan aperçut le canard et secoua la tête :
    - Quelle est cette minime bête ?
    Au corps si drôlement bâti ?
    On n'a jamais vu plus petit
    Un aigle qui planait, leur jeta ces paroles
    - Êtes-vous fous ? Êtes-vous folles ?
    Qui se moque du précédent
    Sera moqué par le suivant.
    Celui qui d'un autre se moque
    À propos de son bec, à propos de sa coque,
    De sa taille ou de son caquet,
    Risque à son tour d'être moqué.  

    Pierre Gamarra


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  • Mon front pâle est sur tes genoux

    Mon front pâle est sur tes genoux
    Que jonchent des débris de roses ;
    O femme d'automne, aimons-nous
    Avant le glas des temps moroses !

    Oh ! des gestes doux de tes doigts
    Pour calmer l'ennui qui me hante !
    Je rêve à mes aïeux les rois,
    Mais toi, lève les yeux, et chante.

    Berce-moi des dolents refrains
    De ces anciennes cantilènes
    Où, casqués d'or, les souverains
    Mouraient aux pieds des châtelaines.

    Et tandis que ta voix d'enfant,
    Ressuscitant les épopées
    sonnera comme un olifant
    Dans la danse âpre des épées,

    Je penserai vouloir mourir
    Parmi les roses de ta robe,
    Trop lâche pour reconquérir
    Le royaume qu'on me dérobe.

     

    Stuart MERRILL (1863-1915) 
    (Recueil : Petits poèmes d'automne)</em />


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